La journée de jeudi 16 juillet 2021 s’achève sur une note triste pour l’Afrique avec l’annonce du décès du célèbre philosophe et théologien congolais Godefroid Mana Kangudie connu sous le nom de Kä Mana, à Goma des suites d’une courte maladie.
Né le 3 novembre 1953 au Congo-Kinshasa et résidant dans la Région de Goma, ce docteur émérite en philosophie à l’Université Libre de Bruxelles et docteur en théologie à l’Université de Strasbourg, a également été à la tête de la section « philosophie africaine contemporaine » de l’Académie de la pensée africaine.
Dans la multitude de ses compétences et expériences, on retrouve également celle d’historien, d’analyste politique, de professeur et formateur de jeunes qui partage sans ménagement ses réflexions sur le passé, le présent et le devenir de son pays et plus largment de toute l’Afrique.
Son combat pour le développement holistique de la jeunesse africaine fait partie de ses passions les plus connues dans le monde, et parmi ses pensées à ce sujet on retiendra « le plus grand investissement qu’on pouvait faire dans son pays était d’investir dans la jeunesse vers un changement mérité pour qu’ils prennent conscience de tout ce qu’il y a comme engin dans les jours avenirs ». Il est cité sur le haut de l’échelle parmi des personnes qui ont oeuvré au Congo Démocratique pour l’apaisement des tensions et l’arrêt des conflits, grâce à sa capacité et sa motivation à susciter des espaces de dialogues ouverts entre parties béligérantes.
Parmi ses nombreux ouvrages qui ont été le socle de connaissance des milliers de jeunes africains, on peut citer plus particulièrement « Théologie africaine pour un temps de crise du christianisme et reconstruction de l’Afrique », « L’Afrique, va-t-elle mourir ? », « Essai d’éthique politique » (Éd. Karthala), « L’Afrique, va-t-elle mourir ? » (Éd. Ducerf), « Destinée négro-africaine, expérience de la dérive et énergétique du sens » (Éd. De L’Archipel).
Le Cameroun-YMCA, par la voix de son Président National Dr Alain-Douglas WANDJI, a tenu à exprimer ses condoléances et sa tristesse pour la perte de ce monument africain qui s’en va ce jour:
A la grande famille et aux enfants du professeur Ka Mana, J’apprends avec une vive émotion et une très grande tristesse le décès du professeur Ka Mana. C’était un digne fils et représentant et porte-parole de la RDC et de l’Afrique. J’ai eu l’honneur de voir ses œuvres exposées au musée protestant de Genève. Nousl’avons adopté au Cameroun et il en avait fait sa terre d ‘accueil. J’ai eu l’heureuse occasion et le bonheur de travailler avec lui et à ses côtés au CIPCRE. J’ai beaucoup appris de lui. Il a conforté ma vocation de leader et d’universitaire. Son humilité, son sens de l’humour, sa simplicité. Son amitié m’était agréable. Beaucoup de membres du Cameroun-YMCA l’ont connu et aimé à l’occasion des séminaires et camps de vacances. En cette douloureuse circonstance je vous adresse ainsi qu’à ses nombreux collègues, mes sincères condoléances ainsi que celles du Cameroun-YMCA.
M. Jean Jaques AYOTTA, président de l’Union Régionale de l’EST qui a eu l’honneur de côtoyer le défunt professeur à travers quelques-unes de ses ouvrages les plus connues, partage également sa pensée pour cet homme que l’Afrique pleure aujourd’hui:
Kä Mana: l’afro-optimiste.
Tout ce qui demeure éternel et essentiel à ce monde ne lui appartient paradoxalement pas. Kã Mana était dans ce monde, son esprit ne lui appartenait pas, mais il y était d’une nécessité absolue puisqu’il l’a marqué de son empreinte indélébile.
Physiquement, je n’avais jamais rencontré l’homme mais je l’ai connu à travers ce qui y a d’essentiel en l’être humain : la pensée.
Alors que j’écrivais mon ouvrage »Afrique Média et l’être-à-venir de l’Afrique », j’ai eu la chance de tomber sur un autre dont le titre seul m’avait mis en extase réflexive: »L’Afrique va-t-elle mourir ? Bousculer l’imaginaire africain. Essai d’éthique politique ». Auteur Kä Mana. Quel titre! Tout un programme d’engagement eidétique personnel pour une cause insigne. L’auteur constatait que l’Afrique est en proie à une crise de l’imaginaire sans précédent dont souffre les consciences de soi déchirées, dévalorisées par autant de mythes destabilisateurs importés: véritables trous noirs dans le ciel de nos espérances brisées qui vampirisent nos énergies créatrices et nous transforment en de véritables zombis expiatoires. Après ce diagnostic chirurgical, le philosophe théologien prescrit la médication appropriée: nous devons défataliser l’impasse actuelle et repenser l’ Afrique en des termes neufs qui lui soient propres : une véritable »stratégie de la désaliénation mentale ». L’esprit de créativité auquel il nous convie nous impose de redynamiser et de changer les imaginaires dirimants en projets durables de transformations sociopolitiques.
Pour lui et pour nous aussi, l’ Afrique ne peut pas mourir.
Je salue un grand penseur dont l’acuité intellectuelle manquera à l’ Afrique. Il a éclairé les esprits et éveillé les curiosités. Il a compris, le premier, qu’il était temps de renouveler la réflexion en Afrique.
Le Professeur Kä Mana demeure pour nous un digne fils d’ Afrique qui a su se mettre au service de tous. Jusqu’au seuil de sa vie, il a illuminé, de son savoir et de son intelligence, la vie de tout un continent en particulier et de toute l’humanité en général.
A sa famille, ses proches et surtout à notre Président National du Cameroun-YMCA qui l’a connu personnellement, je présente mes sincères condoléances.
l’Afrique toute entière vient de perdre un de ses monuments de la pensée, que l’héritage qui’il laisse à sa jeunesse serve à continuer à l’édifier pour qu’un jour se réalise son rêve d’un monde epris de justice avec à sa tête une Afrique indépendante, unie et prospère.
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